Automne 2004.
Je dispose d'un somptueux local en pleine campagne hesbignonne, au sein d'une ferme centenaire où il fait bon laisser gueuler les amplis à lampes réglés sur vraiment très fort à pas d'heure sans qu'un voisin ne viennent râler. Le Belge moyen étant, il faut l'avouer, très vite dérangé. Je suis en plein boulot sur 12H33 (pas disque d'or mais pas loin). J'ai de la six cordes à enregistrer et décide faire cela un beau matin d'octobre, il fait beau, la rosée a déroulé son grand manteau vif argent et dans un mois je me barre à New York pour tourner un film ( j'avais un sacré budget à l'époque). Notons que cette ferme en carré abritant mon studio est entourée d'une prairie de plus ou moins 2 hectares que peuplent gaiement quelques bovins somme toute assez sympathiques. Quelques vaches assez élégantes affectueusement renommées suivant les prénoms des bombes sexuelles qui peuplaient notre monde politique à l'époque: Laurette, Marie, Maggy et les autres je ne me rappelle plus. Quelques bonnes grosses vaches donc et l'incontournable Claudy, le taureau. Pas commode le Claudy. Genre soupe au lait sans mauvais jeu de mot; du genre à s'énerver pour un rien, tout le temps sur la défensive et de mauvais poil, il me rappelle un bassiste d'ailleurs. Enfin soit. Quand Claudy était dans le secteur, valait mieux pas la ramener. Qui dit prairie avec vaches et taureau dit clôture électrique. Logique, courant, banal. Enfin tout ce petit monde cohabite en parfaite harmonie, les vaches, Claudy, le studio, le village et moi. Bon me voilà dans le studio, amplis branchés, micros positionnés et tout et tout. En vérifiant le son, je remarque un petit tic tic tic tic tic régulier mais très emmerdant qui passe dans le VOX AC 30 (l'ampli). Non di Dju qu'est-ce que c'est que cette interférence ? Je vérifie le câblage, les lampes (de l'ampli), les micros, tout le bastringue et l'ensemble me semble en parfait état de marche. Mais d'où pourrait donc provenir ce tic tic tic tic tic insupportable. Problème électrique. Et d'un coup ça fait tilt ! J'ai trouvé ! C'est cette putain de clôture électrique qui fout la merde. Hop, ni une ni deux, je me rends dans la grange d'à côté qui abrite l'alimentation de la clôture et je la mets sur OFF. De retour au studio, le tic tic tic tic infernal a disparu. C'était donc bien ça, parfait, en avant, on fait rouge et c'est parti pour de l'overdrive à gogo pendant plusieurs heures. Joie, gaieté, bonheur. Très satisfait de mes prises, je décide de m'offrir une petite ballade au grand air dans le village. Le soleil est déjà en baisse, le temps a passé plus vite que prévu. Je descends deux ou trois rues et arrive sur la place où un spectacle de désolation m'attend. Une Renault Clio complètement emboutie, des clôtures éventrées, les flics, des autochtones visiblement sous le choc, le grand parterre central complètement labouré. Fichtre, une tornade est passée par là et je n'ai rien entendu ! Sauf que la tornade se nomme Claudy. Flûte la clôture ! J'ai oublié la clôture ! Ce fumier de Claudy en a profité pour se faire la malle et semer la terreur dans tout le village. On me demande si je suis au courant (décidément) de la moindre chose vu que je travaille à côté de la prairie d'où le fou furieux s'est échappé. "Euh ben non voilà que j'arrive j'étais pas là...." Oups dans mon fort intérieur. Claudy est là, calmé par un fermier au mains expertes. Il a l'air serein le Claudy, l'air de se dire : "enfin un peu de Rock'n'Roll !"
Ci-dessus, un cliché pris au dernier moment par un des autochtones avant le grand boum !