Dès lors
qu’un album, un recueil de chansons écrites à un moment donné et dans des
circonstances précises et uniques, dès lors que ce travail est ordonné,
arrangé, produit, enregistré, ensuite mixé et finalement masterisé, il ne
m’intéresse plus. Plus le moins du monde. Il ne me tient pas à coeur d’en
parler, de le dévoiler, de l’expliquer. Encore de moins de tenter de convaincre
des personnes de l’écouter. Il m’importe que ce travail soit accessible,
disponible j’entends. C’est tout. Il ne me sert à rien d’en parler, parce que
toujours ces élucubrations le place dans une perspective oblique et tronquée.
Dans une perspective synthétisée, incomplète et finalement fausse. Une fois que
l’album est mis en boîte, je ne l’écoute plus. C’est la condition sine qua non
pour avoir une vision claire de son travail et de ses défauts. Car seuls les
défauts comptent vraiment enfin de compte. C’est la seule matière à travailler.
Ce qui va, je le laisse aller. Selon moi le seul bon moment pour réécouter un
album est quand arrive son successeur. Ce dernier révèle le précédent, sa vraie
teneur, son authentique inspiration. Il apporte le recul nécessaire pour
découvrir de quoi parlait vraiment cet ancien travail et quels en furent les
tenants et les aboutissants. J’ai réellement découvert “Un Monde sans moi”
quand est arrivé “12h33”. Son cynisme et son orgueil, son détachement et ses
canines un peu longues. Son culot. Les contradictions qu’il a fait naître en
moi. J’ai enfin pu apprécier “12h33” après “Mélodies Démolies”. Son rythme, sa
solitude crasse et belle, sa structure.
Son succès. “Zinzin” est en train de me faire comprendre “Mélodies
Démolies”, son égoïsme maladroit et son manque d’idées claires, son uniformité
somnolente. Son absolue nécessité. Son inutilité pourtant évidente. Son échec. On finit toujours par rater une
marche, par louper un coche, par manquer sa cible. C’est inévitable. Si je m’obstine à composer , produire et
enregistrer des disques, c’est à cause de cela. De la cible manquée. Je me
rappelle avoir dit à Claudio Chiari en son beau studio italien il y a 4 ans à
propos de “Irons-nous voir Ostende ?” : “le jour où j’en aurai 10 de ce
calibre-là sur un seul et même album, alors je passerai à autre chose”. Pas
demain la veille…
“Zinzin” va
vers sa fin, reste une dernière chanson qui résiste encore au micro. Je lui
laisse un peu de mou avant de la ferrer pour de bon. Viendra le mixage, écoutes
intensives et répétées, presque chirurgicales. Et enfin le mastering qui sonne
le glas de la dernière écoute avant le travail suivant. Le jouer sur scène
comme sur le disque sera impossible. Car cela ne m’intéresse pas. Il aura sa
déclinaison scénique et puis c’est tout. Cela risque de ne pas plaire à tous,
jugeant le concert très éloigné du disque. Dans les faits, rien n’est plus
éloigné d’une scène qu’un studio d’enregistrement. Surtout quand ce dernier
est une église. Quand les gens
découvrent un nouvel opus de Jeronimo, j’ai déjà la tête ailleurs. Les prises
de notes, les croquis sonores, les ébauches rythmiques ont déjà commencé cet
automne. C’est ma seule façon d’avancer, de rester créatif, de compenser la pénible
tâche commerciale qui m’attend vis à vis de “Zinzin”. Et qui ne m'enchante
aucunement. Parce que je n’ai rien à dire à son propos pour le moment, rien de
particulier à raconter. Je pourrai mieux vous en parler quand le suivant sera
achevé. Ou presque. Là c’est déjà trop tard. Et trop tôt en même temps. Ce n’est
pas le moment opportun. Et cela ne le
sera pas non plus lorsque l’album sortira au printemps prochain. “Zinzin”, j’en
ai déjà plein le dos. Comme un vieux
clou rouillé qui traîne au fond de ma chaussure et que je voudrais ôter au plus
vite. Probablement parce que je n’entends que ses faiblesses. Parce que je n’ai
pas envie de me choper le tétanos. Dire que ça risque de durer plusieurs
années…